Le mercredi vingt neuf avril deux mille neuf. Huit heures quarante. Français. Je commence à recopier mon DM de maths. Du coup, l’histoire, c’est pour la semaine prochaine.

Huit heures cinquante et une, Adrien et Emile font des ombres chinoises sur leur table.

Neuf heures dix neuf, maths. A la fin de l’heure, on aura un test (calculette interdite) sur les suites.

Camille a le classeur, elle dit qu’elle verra si elle a la flemme ou pas de lire ce que j’ai écrit. Que c’est écrit trop petit aussi (times new roman, taille de police : 10). Elle m’a fait remarquer le bruit de la tondeuse, dehors.

Test, on écarte nos tables.

Dix heures dix huit, physiques, on corrige des exos de chimie.

Rémi voulait s’assoir à coté de Dan, mais celui-ci l’a viré. Ils font un pari, le premier qui tape des pieds a perdu (ce sont tous les deux des batteurs, ils ne peuvent pas s’empêcher de frapper des rythmes en cours).

Ludovic prend des nouvelles de ma vie. Il me demande pourquoi j’écris. Pour ne pas oublier tous les petits instants qui sont étranges ou beaux. Et oui, Ludovic, si tu me parle, je l’écrirai. Si je ne veux pas oublier ce que tu me dis.

Dix heures trente sept. J’ai donné à Rémi mon texte Ponctuation :

Elle n’est pas inutile ni même futile mais nécessaire à la compréhension elle peut aussi être une limite au rêve ou alors une rampe à laquelle se raccrocher pour ne pas se perdre dans des faux sens un fil rouge à suivre des miettes de pain et des cailloux abandonnés sur le bord du chemin des brides des filets pour ne pas tomber elle change suivant l’idée l’esprit que l’on veut donner et que l’on veut laisser

Elle n’est pas inutile. Ni même futile. Mais nécessaire à la compréhension. Elle peut aussi être une limite au rêve. Ou alors, une rampe à laquelle se raccrocher, pour ne pas se perdre dans des faux sens. Un fil rouge à suivre. Des miettes de pain et des cailloux abandonnés sur le bord du chemin. Des brides, des filets, pour ne pas tomber. Elle change suivant l’idée, l’esprit que l’on veut donner et que l’on veut laisser

Elle n’est pas inutile, ni même futile ! Mais nécessaire à la compréhension, elle peut aussi être une limite au rêve… Ou alors une rampe, à laquelle se raccrocher, pour ne pas se perdre dans des faux sens : un fil rouge à suivre, des miettes de pain et des cailloux, abandonnés sur le bord du chemin ; des brides, des filets pour ne pas tomber. Elle change, suivant l’idée, l’esprit, que l’on veut donner et que l’on veut laisser…

Elle n’est pas inutile, ni même futile, mais nécessaire (à la compréhension). Elle peut, aussi, être une limite au rêve, ou alors une rampe à laquelle se raccrocher, pour ne pas se perdre dans des faux sens. Un fil rouge, à suivre ; des miettes de pain, et des cailloux, abandonnés sur le bord du chemin. Des brides, des filets, pour ne pas tomber. Elle change suivant l’idée, l’esprit que l’on veut donner (et que l’on veut laisser).

Je lui ai demandé lequel il préférait. Il aimerait un mélange des trois.

Mickaël joue encore sur le portable de Rémi.

Rémi, lui, dessine sur la table des traits bizarres, c’est joli.

Treize heures dix huit, comme on a pas élec, le prof de maths a déplacé une heure de cours, on fait les probabilités, pour le moment, il introduit les termes techniques (inclus, cardinalité, univers, événement, issue…).

Le prof donne pour exemple de solution non intermédiaire (soit l’une, soit l’autre) le sexe des personnes de la classe. Soit garçon, soit fille, pas entre les deux. Je me tais. Je connais la blague qui va fuser. Elle ne m’est pas forcément destinée, c’est pas sur moi que ça tombe cette fois, mais je sais très bien que j’aurais pu la subir. Ça fait longtemps que je l’entends, que je la supporte, que j’en ai marre, une insulte, quelque chose qui me rabaisse et qui me fait mordre la poussière. Même si c’est faux. Même si c’est des cons qui la sortent. Ça me rappelle tout mon collège.

Sauf moi. Personne n’est indéterminé. Sauf moi.

C’est faux.

C’est juste une vanne, c’est rien, c’est pas grave.

Mais ça me fait mal quand même.

C’est pas grave.

Treize heures quarante six. Juste après, j’aurais étude, je commencerai le DM que le prof nous a donné ce matin, il est noté. Je devrais y arriver sans trop de problèmes.

Il fait gris. Ce matin, il faisait beau, mais ça a commencé à se couvrir vers midi.

On a pas pu rester assis longtemps à coté de la maison de retraite, mais si j’avais su, je serais restée un quart d’heure de plus là-bas, avec Vincent. On avait posé nos sac en Vie Scolaire, mais entre midi et une heure, comme les pions vont manger, ils ferment à clef. Ils ont mit du temps à revenir, on est arrivés en cours avec presque vingt minutes de retard. Il y avait Mickaël, Bekir et Stéphane, plus Lucas et Rémi qui ont attendu alors qu’ils avaient leur sac sur le dos, juste pour arriver en retard en ayant une bonne raison.

A midi, deux tranches de magret de canard.

Le fait de manger quelque chose me donne faim, mais à retardement.

Ça vient tout juste de sonner.

Quatorze heures seize, je suis au CDI, je vais finir l’exo cinq du DM de maths, que j’ai commencé en cours, en écoutant mon MP3, Nightwish.

J’ai faim, la vraie sensation, le creux au milieu du ventre, cette impression bizarre quand j’inspire, le vide.

J’ai encore oublié mes affaires de musique. J’ai pas révisé mes accords, j’aurais dût, je vais encore me planter, Jeff me regardera d’un air blazé… De toute façon, aucun de ceux de mon groupe ne travaille chez lui pour ces cours là. J’ai pas révisé mon quatre mains… Il faut, parce que comme deux vendredi sont fériés, j’ai pas cours de piano, ça foire (la prof veut me faire rattraper, mais avec mes horaires de lycée, pas facile de trouver une heure).

Tout à l’heure, à l’intercours, je regardais par la fenêtre du couloir, par-dessus l’épaule à Rémi. Toute la colline est verte. Sauf un arbre, qui est mauve-rosé, qui tranche. C’est beau. Rémi m’a fait la réflexion “ Et si tout était rose, les arbres, la pelouse, les sapins seraient roses, et juste l’arbre serait vert…”. Je lui ai dit que ça serait mignon, et qu’il aurait les yeux roses. On a emboité sur un raisonnement pour savoir de quelle couleur seraient mes yeux à moi. Ils seraient rose moins jaune. Pour savoir à quoi ça correspond, il m’a proposé de faire l’expérience chez moi avec deux rétroprojecteurs, mais je n’ai pas deux rétroprojecteurs. Dommage, ç’aurait pu être marrant.

Du coup, je ne fais pas mon DM, je n’écoute pas Nightwish non plus, mais Juste une dernière danse, et j’écris.

Il y avait un mec qui tronçonnait un arbuste dans le parc, il y a deux minutes. Un autre, en bleu de travail bleu enlève les branches qui traînent par terre et en fait des tas. Schrek passe au fond, tirant une remorque pleine de feuilles de laurier. Ils ont dût tailler les haies.

Il y a dans la pelouse les petites taches blanches des pâquerettes, et celles plus rare des pissenlits, jaunes.

Florian fait son DM de maths et écrit des sms en même temps, Nicolas fait l’espagnol (je lui ai passé ma copie, c’est bourré de fautes de conjugaisons, mais c’est pas grave), Stéphane révise la physique, demain on a un Devoir Surveillé de deux heures, Bekir pareil, Dan et Mathieu font des exercices de maths sur les probas.

Je suis sûre d’avoir de bonnes notes sur ce cours, j’adore, je trouve ça facile et très logique, il faut visualiser, et j’y arrive bien mieux qu’avec les fonctions et autres dérivées.

Nicolas veut absolument lire ce que j’écris, mais j’ai pas envie de lui passer le cahier, j’ai pas fini, je veux encore aligner des mots, à cheval sur les lignes, de travers parce que j’écris mal, au porte-mine.

Dans le parc, Schrek vient de s’arrêter à coté de l’arbuste fraîchement taillé, ils vont ramasser les branches pour les mettre dans la remorque. C’est un bricolage, fait avec un socle équipé d’un essieu, et des morceaux de métal qui maintiennent de grandes planches de contreplaqué, pour former une espèce de caisse avec des roues. Elle a dût être fabriquée par les élèves.

Le morceau change, les notes se suivent, un peu comme dans Sunburn, ça s’appelle Who do you love, je l’ai récupéré dans un CD, à la médiathèque, une anthologie qui s’appelle Beyond the skies. Il me donne des frissons dans le dos et une envie de pleurer, de l’écouter au volume maximal pour n’entendre que lui, mais je ne peux pas, je n’ai toujours pas réparé mon MP3.

Un homme montre à un élève comment on taille les branches, dehors. L’élève a pas l’air très passionné.

Stéphane est étonné que j’écrive tant de détails, que lui ne voit même pas. Sens de l’observation. Souvent inutile, parfois pénible, ça ne me sert pas à grand-chose aujourd’hui. Plus tard peut-être…

Quinze heures vingt huit. Maths.

Faites une croix sur le calendrier : j’ai faim.

Je compte les cicatrices sur les bras à Nicolas. Il en a pas beaucoup.

J’ai un petit point rouge sur mon pouce, là où je me suis brûlée.

La fenêtre est ouverte, on entend le fond sonore de la circulation. Il y a un tout petit courant d’air, je commence à avoir froid.

Le prof a fait une drôle de tête, il a failli tomber en trébuchant sur son sac, personne l’a vu à part moi.

Il y a un oiseau qui fait tioupitioupitioupitioup, avec le pi plus aigu que le tioup. Je l’ai déjà entendu, je devrais chercher ce que c’est. Je vois un tout petit morceau du Rhône, par la fenêtre.

Nicolas veut que je compte les secondes avant la fin de l’heure, c’est un jeu, celui qui dit zéro quand ça sonne a gagné.

J’ai presque réussi, un tout petit peu trop tôt.

Seize heures quarante, étude.

Vincent et Lucas sont en ville. J’étais partie avec eux, jusqu’à ce qu’ils réalisent que je suis chiante et, ce qui est plus grave, que je dois prendre mon car à cinq heures. Trente minutes aller-retour, ils avaient raison, ça servait à rien de continuer. J’étais contente, je leur pourrissais la vie, ils ont commencé à dire qu’on allait rentrer au lycée. Vincent a fait la mauvaise réflexion.

T’as qu’à rentrer toute seule.

Je suis rentrée toute seule. Musique aux oreilles, comme quand je remonte de mon arrêt de car.

Tu seras seule dans la vie.

Débrouille-toi.

Je voudrais appartenir à un vrai groupe, me sentir en sureté, soutenue, mais non…

Ça sonne.

Dix huit heures quarante neuf, je suis à l’école de musique, dans la salle des fêtes, celle avec des gradins en bois qui craquent quand on bouge un peu trop.

Instant musical, un homme joue un superbe morceau d’accordéon. Mais comme y a plein de gens qui font du bruit, ça foire tout. Avec lui, il y a l’orchestre (enfin, l’Ensemble Orchestral de l’école), les djembés, Gilles (le prof de djembé et percussionniste), Rémi (le prof de guitare et saxophone) et Frank (prof de clarinette, qui dirige aussi l’orchestre). C’est fini.

Autre morceau, dansé celui-là. Comme d’habitude, les danseuses sont pas synchros. C’est très pénible, c’est toujours comme ça, jamais les mêmes en même temps, décalage, alors que la musique est pourtant facile à suivre. En plus, la chorégraphie, c’est un peu n’importe quoi. Les seules choses jolies, c’est les coiffures, et peut-être les robes, et encore, c’est pas le top.

Ça pourrit la musique, qui est pourtant super belle, latino-américaine.

Autre morceau, juste musique. L’homme qui jouait de l’accordéon joue aussi du trombone à coulisse. Un solo de trombone, c’est extra. Romain s’éclate à la batterie. A “l’origine”, il joue de la guitare acoustique (super bien d’ailleurs), et il s’est mit à a batterie il y a un ou deux ans, je ne sais pas exactement. Je crois qu’il est en seconde.

Autre morceau. Il y a des danseuses qui passent en bougeant un peu n’importe comment, et d’autres, qui ne sont toujours pas ensembles.

Final. Dommage que la danse aie massacré tout le boulot des musiciens…

Les gens en redemandent, ils ne sont pas difficiles… Même Frank danserait mieux, il a le rythme, il sait bouger.

29.04.09