Le lundi vingt sept avril deux mille neuf. Sept heures trente huit. Le car est en panne. Ça a commencé par les voyants d’alerte de la batterie qui restaient allumés. La chauffeuse s’est arrêtée sur le bord de la route, juste entre A* et R*, là où il y a une petite route qui part vers les C d’A en passant au-dessus de l’autoroute. Finalement, il y a une courroie cassée, elle a appelé quelqu’un d’autre pour qu’il vienne nous chercher.

On va arriver en retard. J’ai anglais.

Je pourrai pas voir Vincent.

Je pourrai pas montrer à Rémi ma pyrogravure.

C’est pénible d’écrire dans un car. Le clignotant fait pip-pip-pip-pip, c’est chiant, mais on peut pas faire autrement. La chauffeuse a mit un gilet jaune, on attend, elle rappelle.

Il y du blé dans les prés, juste à coté. On dirait une pelouse pas tondue depuis longtemps, sauf que d’habitude, quand on oublie de tondre, il y a des fleurs. Pas là. Plus loin, il y a des champs de semés, mais les plantes n’ont pas encore germé, et du colza en fleur, jaune.

Cette année, le champ à coté de la maison, c’est du tournesol.

Sept heures quarante cinq. C’est sûr, on arrivera en retard.

Hier soir, il pleuvait, il a dût pleuvoir toute la nuit.

D’après la chauffeuse, un car va venir nous chercher d’ici dix minutes.

Dans la nuit de samedi à dimanche aussi il pleuvait. Je le sais parce que je dors au grenier, juste sous le toit, et la pluie fait un bruit très reconnaissable. Je ne sais pas si Rémi l’avait entendu.

J’ai rien imprimé hier soir, je ferai ça ce matin, à dix heures, au CDI. Je trouverai bien une excuse bidon.

Normalement, Guillaume a pensé à mon classeur, je lui ai rappelé hier, Benjamin m’avait donné son numéro vendredi.

Une fille se lève pour aller se regarder dans le rétroviseur central. Son miroir de poche est sans doute trop petit…

La chauffeuse écoute de la musique des année quatre vingt, la même qui passe sur Nostalgie, de vingt heures à minuit, du lundi au vendredi soir. Moi, j’aime bien. Cela dit, j’aime beaucoup de choses, et pas mal de gens doivent trouver cette musique nulle à chier.

Sept heures cinquante trois. J’espère que Vincent ne m’en voudra pas de ne pas pouvoir le voir le matin. Le coup de la panne, c’est pas forcément le top…

Ce matin, j’ai vraiment eu du mal à me lever. C’est pas grave.

Sept heures cinquante six.la première sonnerie. Tout le monde doit monter en cours. Vincent doit me chercher et s’inquiéter. Pour le moment, personne ne se rend compte que je suis absente, j’arrive toujours un peu en retard en anglais, et je ne vois pas grand monde avant.

Ça fait peur de voir comme quelqu’un peut disparaître aussi facilement.

Sept heures cinquante huit, dans deux minutes, le prof fermera la porte, balaiera la classe du regard et demandera “Who’s missing ?”. Les gens chercheront un peu avant de dire que c’est moi qui ne suis pas là. Je ne suis pas là. Mais où suis-je alors ? Personne ne se demandera, sauf peut-être Vincent. Personne ne m’enverra de sms. De toute façon, j’ai pas beaucoup de numéros dans mon répertoire. Rémi a italien. Guillaume, étude. Camille aussi. Mickaël s’en fout de moi. Vincent, il n’est pas dans ma classe… C’est tout…

Le car vient d’arriver, huit heures zéro quatre, il va faire demi-tour et il reviendra dans le bon sens, un car ne peut pas faire une manœuvre comme ça en coupant la nationale…

Huit heures trente et une, anglais, Mickaël a amené une brioche tranchée, de l’eau chaude, du thé et du café, du chocolat en poudre et aussi un pot de Nutella. Il m’a demandé thé ou chocolat. Chocolat, ai-je répondu. Aujourd’hui, chocolat à l’eau. Ça tombe bien, j’ai pas vraiment eu le temps de déjeuner ce matin.

J’avais oublié, hier, je voulais faire des gâteaux pour ce cours… Dommage.

A huit heures treize, Vincent m’a envoyé un sms pour savoir où j’étais. J’aurais put être morte, personne à part lui aurait prit des nouvelles. Pas tout de suite, en tout cas. On disparaît trop facilement.

Le cacao de Mickaël est pur, sans sucre, faudra que je lui demande où il l’achète, on en trouve de plus en plus difficilement.

Huit heures quarante quatre, la semaine prochaine, c’est Dan qui apporte le petit dej’.

Le prof nous conseille d ne jamais acheter de fromage en Grande Bretagne.

Ça sonne dans six minutes, j’ai le goût du cacao plein la bouche, j’ai plus de chewing-gum. Par contre, j’ai ma bouteille d’eau.

Le grand Stéphane s’est vraiment fait une entorse au basquet, il pourra pas jouer jeudi.

Ça sonne.

Neuf heures cinq, Guillaume m’a rendu le classeur. Physiques.

Rémi s’est remit à la place qu’il occupait au début de l’année (entre parenthèse, c'est-à-dire à ma gauche), du coup Dan se retrouve presque tout seul, il n’y a que Quentin à coté de lui.

Je vais arrêter d’écrire et suivre un peu, pas envie que le prof me confisque mon cahier.

Neuf heures seize. Mickaël joue sur le portable à Rémi, il me fait un peu moins la gueule, je crois.

Samedi, je me suis brûlée avec la centrale vapeur. Ça me fait pas mal, c’est juste un point un peu plus rose sur mon pouce.

Ça vient de sonner.

Onze heures onze, espagnol. On va corriger le devoir de jeudi. Nicolas a la partie argumentation à faire chez lui et à rendre en DM.

Juste avant, on avait étude. Je vais faire le DM de maths avec Rémi. C’est cool, ça me motive, parce que je me dis que quelqu’un compte sur moi. D’habitude, je le fais “pour moi”, comme disent les profs et les parents, et comme j’ai pas envie et que je m’en contrefous, je le fais pas. Là, c’est différent. L’état d’esprit n’est pas le même.

J’ai eu douze. Camille me nargue, elle a eu douze et demi, elle veut que je l’écrive. J’ai perdu des points à cause de la traduction (elle était pas facile) et des conjugaisons.

J’ai pas eu le temps d’imprimer.

Il fait pas beau, mais il y a beaucoup de lumière quand même, on voit quelques bouts de ciel bleu.

Samedi, j’aurais aimé rester un peu plus longtemps, mais ma mère n’a pas voulut, c’est pas grave, mais j’aurais aimé danser Razor Shap, elle est très belle. Très rapide, et qui demande de l’énergie, mais très belle.

J’aimerais m’acheter un ordinateur portable, mais j’hésite entre un PC et un Mac, je ne sais pas trop, on a pas sut me conseiller. Ça serait pour de la bureautique et du graphisme. Eventuellement de la musique, mais pas sûr. Ça sonne dans deux minutes.

Treize heures vingt sept, SI génie mécanique. On finit de corriger l’interro où j’avais eu une note pourrie.

Je me fais chier. J’ai relu mon classeur pour corriger les fautes de frappe.

Rémi est à coté de moi, Mickaël derrière, Quentin devant. Les tables sont individuelles, on les a déplacées n’importe comment.

Quatorze heures treize, je suis au CDI avec Dan et Mathieu. On fait le DM de maths.

J’ai pas de motivation.

Dan regarde avec envie les élèves qui jouent au foot dans la cour.

J’ai mal. J’ai sommeil aussi. Aucune énergie.

Dan me fait la réflexion que je ressemble à la fille dans Les Indestructibles si je me mets une mèche de cheveux devant le visage. Peut-être. Je ne sais pas. Quand je me regarde dans un miroir, je ne me vois pas vraiment.

Quatorze heures trente cinq, j’étais en train de dormir.

Ça a sonné il y a douze minutes, je suis toujours au CDI, toujours avec Mathieu et Dan.

Seize heures trente cinq, TP de mécanique… On travaille sur Solid Works, c’est pourri, avec François B (mon binôme) on préfère Blender. Solid Works, ça rame à fond…

Je suis crevée. Ce soir, je crois que je mangerai, j’irai à mon cours de danse, et après, dodo direct.

Faudra que je replie la banquette aussi, un de ces jours.

Ça va sonner, encore une heure.

Je commence à écrire de la main gauche, c’est deux fois plus lent et illisible, mais je veux apprendre.

Ça vient de sonner.

Dix sept heures trente, Mickaël regarde du catch sur internet, Dan fait son TP tout seul.

Vingt trois heures quarante sept. Je regrette d’avoir embrassé Vincent tout à l’heure. Il avait mangé de la noix de coco à midi, j’aurais pas dût, je suis conne, je suis allergique à ce fruit. J’ai des aphtes plein la bouche et ça me brûle. C’est pas grave.

J’imprimerai demain, au CDI, j’ai étude de huit à neuf, je finirai de DM de maths aussi. Pourquoi je me couche pas plus tôt ? Après, je suis fatiguée… En plus, on finit à six heures demain, avec juste étude de huit à neuf et entre midi et deux pour mon groupe…

27.04.09