Le mercredi trois juin deux mille neuf. Français.

J'ai fini mon cahier, je le reprends au début et je réécris sur le crayon de papier au stylo plume.

C'est drôle, aujourd'hui je me vois comme un lac. Une mer d'huile. Calme et plate. Hier soir, j'ai encore pleuré. Ce soir, je pleurerai encore. Mais la journée, je suis calme. En état de choc peut-être. C'est étrange.

Alain essaye de me remonter le moral. Camille aussi. C'est gentil à eux, mais merci, je crois que c'est inutile.

On passe à Lorenzacio. Scène d'exposition. Camille fait Lorenzo, elle a beaucoup de mal à lire.

Le ciel est entièrement bleu, je ne vois pas un seul nuage.

Je suis tellement désolée... Je voudrais mourir pour ne plus faire de mal à ceux que j'aime... Rémi, est ce que tu me pardonnera ? Il évite mon regard et cela me fait mal, plus mal encore qu'une gifle, plus mal qu'une insulte.

Me jeter par la fenêtre pour apprendre à voler... Non. Pas pour ça. J'hésite entre chagrin et rage. Il ne faut ni l'un ni l'autre. Il faut le calme. Il faut que je me pose.

Huit heures vingt huit, dehors une pie est perchée au sommet d'un petit sapin. Elle s'envole.

Je me suis perdue je crois. Il me faudrait de l'aide pour me retrouver.

Cet été va être tendu.

Oisive jeunesse À tout asservie Par délicatesse J'ai perdu ma vie, Arthur Rimbaud. C'est moi, ça.

En ce moment, je m'attache les cheveux, il fait trop chaud sinon.

Coup d'œil de Rémi. Baume au cœur. Merci. Ne m'en veux pas s'il te plaît... ne sois pas triste pour moi ou pour toi ou pour les deux, je ne veux pas que tu sois triste à cause de moi. Je veux que tu sois heureux. Tant pis pour moi si je ne le suis pas, ce n'est pas grave. De toute façon, je ne le serai jamais alors...

Huit heures quarante six.

Seule une vie dévoué aux autres mérite d'être vécue. Einstein.

Le prof a un T-shirt Le coq sportif, un peu vieux, un peu délavé. Florian a un T-shirt bleu menthe glaciale.

Quentin a amené un oreiller : on a trois heures de français aujourd'hui, le prof a rajouté des heures (pour rattraper les vendredis qui sautaient).

Rémi embête Thomas.

On a eu nos convocations pour les épreuves anticipées du bac (français oral et écrit), on passe l'écrit le vingt deux juin, mon oral est le six juillet. Ça sonne.

Encore une heure de français.

Neuf heures sept, on a fait une petite pause dans le couloir.

J'essaye de traiter avec légèreté les problèmes douloureux. Ça marche mal.

Plus tard, je trouverai un dictionnaire de rimes.

Je vais dessiner un peu...

J'ai la très nette impression que tout le monde se fait chier à mort...

Neuf heures trente et une. Je me suis inspirée de la coiffure de Caroline pour dessiner un personnage dans la marge. Je voudrais apprendre à dessiner avec un vrai dessinateur de bande dessinées ou un vrai peintre...

Le soleil a tourné, les ombre ne sont plus au même endroit. Il n'y a toujours pas de nuages. La lumière est jaune.

Neuf heures quarante cinq, Nicolas me demande l'heure. Il n'a qu'à lire.

Rémi pousse le coude d'Olivier quand il écrit . Il a coincé un effaceur à la verticale dans sa trousse.

Dix heures onze. Physiques. On corrige un exo. Comme d'hab'.

Dix heures vingt. C'est long...

Rémi ne s'est pas assis à coté de moi.

Mickaël suit, ça change. Dan aussi, il est un peu loin. Je me sens seule...

Dix heures trente cinq, Mickaël compte ses sous.

Je triste... je mal. Je marre. Vivement samedi, que je me détende, que je voie Alain, il va me remonter le moral, il est sympa. Il est chauffeur de bus. Il a une chienne, bâtarde de berger allemand, qui s'appelle Praline, qui est gentille. Il a beaucoup d'humour. Il aura les mots.

Dix heures quarante et une. Cours. Magnétisme.

Dix heures quarante six. Ça serait tellement bien que je puisse inventer ma vie en l'écrivant ici... C'est une vieille légende, souvent reprise, de ces gens qui changent le cour du monde en écrivant...

J'écrirai qu'il est déjà midi, que je m'apprête à partir, mais que quelqu'un me retient et me demande de rester avec lui parce qu'il veut vivre avec moi et moi je pleurerai de joie... Mais ça n'arrivera pas, je ne suis pas dans un conte de fées, je ne suis pas ni une princesse ni une bergère, encore moins uns martyre... Je n'ai pas de chance... Ma vie aura une fin triste.

Parce qu'il n'y a que les contes qui finissent bien.

Dix heures cinquante deux. Il n'est pas midi.

Tout à l'heure, je partirai vers l'arrêt de car, quelques personnes m'accompagneront parce que leur car les prend au même endroit que moi.

Personne ne me retiendra, personne ne n'emmènera avec lui, c'est à peine si on se dire au revoir, du bout des joues, du bout des dents. Du bout du cœur.

Ma vie m'échappe. De toute façon, je n'en veux plus, elle est trop nulle. Je ne veux plus de moi. Je ne veux plus de personne, je veux seulement oublier. Dormir pour oublier. Mourir pour oublier.

Ça sonne.

Onze heures seize, français.

C'est si beau, un sourire.

Il y a une hirondelle dans le ciel... C'est grand, le ciel. Il y a aussi deux étourneaux.

Le grand Stéphane s'ennuie, il joue avec son casse-tête, les deux clous.

Il n'est toujours pas midi.

Je ne suis toujours pas morte. Pourtant, se faire arracher le cœur, cela est mortel, non ?

Il ne faut pas que je sois triste, ou alors je ne dois pas le montrer, je dois le garder pour moi, je dois donner aux autres une image belle de moi, ils ont déjà assez de sources d'ennuis, je ne dois pas me rajouter à la liste.

03.06.09